j’ai accepté le silence
pour la protéger
tandis qu’elle se posait
en barrage
entre lui et nous
d’une phrase chuchotée
elle m’avait fait comprendre
quelques mots suffisent
pour amorcer
le geste fatal
la menace avait été explicite
pointée sur sa tête
elle avait promis
jamais elle ne quitterait
ni sa prison
ni son geôlier
jamais elle ne parlerait
de cette promesse
il avait appuyé sur la détente
pour marquer l’entente
d’un sceau creusé
dans le sol de béton
quand les éclats du plancher
ont virevolté
comme autant de possibles
pulvérisés
nous nous sommes statufiées
désormais immobiles
d'un cloître invisible
​
nous avons appris
à feindre
la normalité
à simuler
sous la pluie incessante d’insultes
des sourires amusés
à détourner le regard
quand il pointait le sien
dégoûté
sur nos corps
dont il aimait ridiculiser
les formes et les gestes
nous patientions
elle
à proximité du monstre
chaque nuit
et moi
réfugiée loin d’elle
loin de cette maison
où nous sommes mortes
en même temps
depuis
je me demande
si la détonation
n’a pas tout aboli
si j’ai imaginé
toute une vie, improbable
en une fraction de seconde
composée de relations bienveillantes
de création
de survie
ces mots sont peut-être
ceux d’un atome fantôme
rêvant d’un temps
qui ne sera
jamais le sien
​
modélisation 3D | images numériques | texte :
KAROLINE GEORGES